féminisme

Motion féminisme et CNT

Le féminisme pose une question transversale à toute la société, la question des inégalités dont sont victimes les femmes et qui est loin d’être réglée…

Quelques chiffres pour planter le décor  (rapport égalité homme femme 2010):

  • Les femmes représentent 47,5% de la population active mais est concentrée à plus de 70% dans les secteurs à bas salaires (grande distribution, restauration, services à la personne 97% de femmes…)
  • 81,9% des emplois à temps partiels
  • Plus nombreuses en contrats aidés ou CDD : 10, 7% des femmes contre 5,9% des hommes
  • 80% des salariés payés en dessous du SMIC
  • 54% des chômeurs inscrits à l’ANPE ( taux de chômage 0,6 point d’écarts : 10% hommes 10,6% femmes).
  • 57% des chômeurs non indemnisés
  • 83% des retraités qui vivent avec une pension inférieure au minimum vieillesse (retraites inférieures de 42% de celles des hommes)
  • Elles gagnent en moyenne 27% de moins que les hommes et à travail et qualification égale 10% de moins que les hommes.

Dans la sphère familiale les femmes assurent toujours 80% du noyau dur des tâches domestiques et si les hommes en assument davantage qu’il y a quelques dizaines d’années, ils se concentrent souvent sur les tâches les moins répétitives et les plus visibles.
En fait même dans les couples où le partage des tâches n’est pas trop défavorable, c’est à la naissance du 1er enfant que le décrochage s’opère : les hommes font un peu plus tandis que les femmes font tout le reste et notamment tout se qui se rapporte aux enfants.

Voilà la réalité de la condition féminine en France, même si on a certes fait des progrès notamment au niveau de l’intégration dans le marché du travail, même si beaucoup d’hommes sont conscients du poids qui reposent sur les épaules des femmes, même si les femmes profitent des droits obtenus dans les années 60/70….et pour lesquels il faut encore se battre pour les conserver ( contraception : planning / IVG : luttes Tenon – Lyon).

Les inégalités flagrantes au travail et à la maison reposent sur un système de domination des femmes qui a précédé le capitalisme. L’oppression des femmes est une construction sociale : il s’agit du contrôle par le groupe des hommes du corps des femmes, de leur travail, de leurs pensées.
Cette domination masculine prend deux formes :

  • une domination physique potentiellement présente au travail, dans les lieux publics et surtout au sein de la famille (violence psychologique ou verbale voire physique et sexuelle). Ces violences permettent de maintenir un contrôle social des femmes.
  • une domination symbolique (qui conforte la domination physique) qui s’exerce par l’intégration par les deux sexes d’un système de valeur qui offre une vision du monde favorable aux dominants : c’est la construction des genres qui colle dès la naissance au sexe biologique de l’enfant un comportement pré déterminé ( famille école jouets…) pour faire court : rose pour les filles, bleu pour les garçons.

De plus, le mode de pensée dominant tient pour acquis que les femmes et les hommes ont des capacités naturelles complémentaires qui les prédisposent à certaines tâches, et de ces capacités naturelles résulte une division tout aussi «  naturelle » du travail.

C’est au moment du capitalisme que la sphère de production qui correspond à l’usine est devenue séparée de la sphère de reproduction qui correspond au foyer. La division sociale et sexuelle du travail a pris toute son ampleur avec :
La séparation des tâches dans le travail toujours sur le mode de la complémentarité hommes/femmes avec les secteurs d’activité exclusivement féminin/masculin.
Une hiérarchie entre les tâches : le travail d’un homme vaut plus que celui d’une femme.
La dévalorisation des secteurs féminisés.
Le capitalisme a su utiliser l’oppression des femmes pour se procurer un réservoir de main d’œuvre bon marché, le salaire de la femme étant considéré comme un complément de celui de son mari.

Il y a cependant des articulations contradictoires entre capitalisme et patriarcat :
Le capitalisme a besoin :

  • d’une nouvelle force de travail que constitue les femmes et il a donc besoin de la libération de cette force de la domination qu’elle peut subir ( émancipation des femmes)
  • d’un sous salariat à exploiter (vente de leur force de travail subordonné à un travail social) et donc de maintenir les femmes dans une position de dominées qui rend leur position dans le salariat illégitime.
  • du travail familial pour reproduire la force de travail et l’ordre social

(contradiction entre le premier et les deux suivants)

Les féministes des années 70 se sont battues pour faire reconnaître l’existence d’une «  oppression spécifique » des femmes. Il s’agissait de faire admettre que cette oppression était plurimillénaire, qu’elle avait précédé l’apparition de la propriété privée dans les sociétés occidentales. Mais cet effort pour faire reconnaître le caractère spécifique de l’oppression des femmes a produit des effets pervers. Celui de marginaliser la réflexion sur ce terrain au lieu de l’intégrer dans une réflexion plus générale sur les voies de l’émancipation de tous les opprimés des deux sexes.

La CNT appartient au mouvement féministe luttes des classes c’est-à-dire que nous entendons justement étroitement lier la lutte pour l’émancipation des femmes à celles de tous les opprimés. La lutte des femmes n’est pas secondaire par rapport à la lutte de classe. Le capitalisme s’articule avec l’oppression des femmes. Il n’y a pas comme le pense Christine Delphy, d’un côté le capitalisme qui exploite les salariés dans la société et de l’autre le patriarcat qui exploite les femmes. Les deux sont inextricablement lié. S’il nous arrive d’utiliser le mot «  patriarcat », nous l’envisageons comme un synonyme de l’oppression des femmes.

Nous récusons enfin les théories essentialistes/différentialistes qui revendiquent des différences et une complémentarité naturelle des hommes et des femmes.
Enfin nous pensons que, de la même façon que les blancs ont leur place dans le combat anti raciste, le féminisme concerne les hommes comme les femmes.

La CNT défends la nécessité d’un mouvement autonome des femmes. Les femmes, partie prenante de tous les mouvements sociaux, ont été obligées de s’organiser séparément pour avancer sur la question de la condition des femmes. Pour nous, ce n’est pas une nécessité ponctuelle mais permanente dans une société où globalement les femmes sont dominées, où l’espace public est considéré comme masculin : il y a besoin d’espaces où les femmes puissent discuter de comment faire avancer leur place à égalité, et de mouvements que les femmes puissent diriger sans être subordonnées aux priorités des autres.

Les conséquences sur notre militantisme

Au sein de la CNT, tout doit être fait pour que les femmes soient à égalité avec les hommes. Cela implique :

  • une vigilance quotidienne sur les comportements des militants vis-à-vis des militantes
  • une prise en charge collective de la question des gardes d’enfants
  • de favoriser la prise de parole par les femmes, notamment la possibilité d’espaces de discussion non mixtes pour les femmes.
  • la mixité et parité des directions
  • un point systématique sur le féminisme au cours de chaque congrès.