Contre la régression sociale : riposte syndicale

Le 11 janvier 2013, les organisations syndicales patronales (MEDEF, CGPME, UPA) et certaines de « salariés » (CFDT, CFE‑CGC et CFTC) ont conclu un Accord national interprofessionnel (ANI) dit « au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi ».

Cet accord est une profonde atteinte aux droits des travailleurs en imposant toujours plus de flexibilité pour les salariés, et en facilitant les procédures de licenciement dans un chantage permanent à l’emploi.

Pour être appliqué, cet accord doit être traduit dans la loi. Les déclarations récentes de Laurence Parisot du MEDEF (syndicat patronal) exigeant que cet accord « soit respecté à la lettre » et la volonté du président de la république François Hollande annonçant vouloir « transcrire fidèlement cet accord en loi » afin d’être « loyal vis-à-vis des signataires » ne présagent rien de bon pour les travailleurs : l’employeur aura la possibilité d’imposer une réduction du temps de travail ou une diminution de salaire dans le cadre « d’accords de maintien dans l’emploi ». Si le salarié la refuse, il se verra licencier pour motif « économique » et ce motif sera inattaquable !

Des accords dits de « mobilité interne » permettront également à l’employeur d’imposer des mutations ou changement de poste sous peine d’être licencier pour motif « personnel ». En effet l’accord primera désormais sur le contrat de travail même s’il est moins favorable aux salariés. L’inversion de la hiérarchie des normes et la destruction du principe de faveur se poursuivent.

Les dispositions concernant les licenciements économiques sont assouplies

Il devient également possible de déroger par accord d’entreprise aux procédures de licenciement économique collectif prévues par la loi. L’employeur aura d’ailleurs le choix de rechercher l’accord ou de soumettre directement ses volontés en matière de procédure et de contenu du plan social à l’homologation de l’administration (c’est-à-dire au DIRECCTE) qui n’aura de fait pas les moyens de l’exercer réellement vu le trop bref délai imparti (21 jours).

 Dans les deux cas, les délais d’expertise seront raccourcis, avec une limitation du droit d’alerte du Comité d’entreprise. Les élus au Comité d’entreprise, n’auront plus la possibilité d’informer comme il se doit les travailleurs des licenciements prévus.Et jusqu’aux critères à retenir pour l’ordre des licenciements, l’employeur pouvant désormais privilégier la notion vague et toute patronale de « compétence professionnelle » sur les critères sociaux.

Les délais de contestation seraient eux-mêmes drastiquement raccourcis : 3 mois pour contester l’accord ou l’homologation (12 mois actuellement).

Le but ? Empêcher toute mobilisation et riposte collectives des salariés.

La réduction des délais de prescription : les deux ans pour saisir le juge seront ramenés à un an dans le cadre de licenciement collectif et économique.

Concernant les rappels de salaires ou les heures supplémentaires, le délai passera de cinq ans à trois ans.

Contre la mise à mort du Code du travail

Cet accord, s’il est transcrit dans la loi, confirmera la continuité des politiques d’austérité menées par les différents gouvernements de gauche comme de droite, pour nous faire payer une crise qui n’est pas la nôtre. Il est la poursuite des accords « compétitivités-emploi » de Sarkozy et s’inscrit dans un contexte difficile pour l’ensemble des travailleurs du privé comme du public. Les récents « événements » témoignent de la gravité de la situation sociale que nous subissons (suicide d’un chômeur en fin de droit à Nantes, et d’un autre à Saint-Ouen qui a tenté de s’immoler), licenciements massifs dans l’industrie, multiplication de contrats précaires au sein de la fonction publique comme dans le privé.

Face aux politiques antisociales, la CNT appelle les travailleurs à se mobiliser pour faire pression pour que cet « accord » ne fasse pas loi.

Il est temps que cessent ces négociations au sommet, sans rapport de force, par des permanents syndicaux qui ont quitté la réalité du travail et de l’activité syndicale de terrain depuis des années et prétendent savoir ce qui est bon pour les salariés quand ils ne le sont plus depuis bien longtemps…

Nous privilégions et appelons à une réelle convergence des luttes devenue nécessaire pour instaurer un rapport de force à la base et revendique notamment :

  • une réduction du temps de travail sans réduction de salaire ;
  • l’annulation de toutes les exonérations de cotisations sociales patronales ;
  • l’augmentation des cotisations pour financer les retraites (retour à 60 ans) sans condition de durée de cotisation, et l’amélioration des indemnités chômage et des minima sociaux (rien en dessous d’un smic réévalué à la hausse) ;
  • la gestion des caisses du chômage et un fonds d’investissement pour les coopératives ouvrières et la reconversion écologique ; la suppression de toutes les rémunérations hors salaire fixe (stockoptions, retraites chapeaux, participation, intéressement, etc.) ;
  • la suppression des augmentations de salaires individuelles et des évaluations des salariés ;
  • la titularisation de tous les précaires de la fonction publique sans condition et l’obligation de réintégration effective dans l’entreprise en cas de requalification en CDI ou de nullité du licenciement dans le privé ;
  • le retour à un véritable service public, en fonction des nécessités et non en fonction des « finances publiques » et à la gestion directe par le personnel et usagers.

Poker menteur pour les signataires

Les organisations syndicales signataires, quant à elles, se félicitent d’un tel accord en nous informant qu’il ouvre de nouveaux droits pour les salariés. En réalité il s’agit d’une vaste fumisterie :

  • une complémentaire santé pour tous : le MEDEF a déclaré que les patrons « ne paieront pas un euro de plus » et que cela ne s’appliquera qu’à partir de 2016, le tout pour un panier de soins limité et payé à 50% par les salariés.
  • le droit à percevoir l’ensemble « des droits rechargeables » à l’indemnisation chômage pour les demandeurs d’emploi : un chômeur qui retrouverait un emploi et qui n’aurait pas « utilisé » la totalité de ses droits pourra les conserver en cas d’une perte d’emploi ultérieure. Là encore il s’agit d’un écran de fumée, puisque le patronat ne souhaite pas débourser un euro de plus. Au vu des comptes de l’UNEDIC, ces dispositions conduiraient tout simplement à la baisse générale des indemnisations allouées aux travailleurs privés d’emplois pour que ce « droit rechargeable » puisse se financer.
  • « Taxation » des contrats courts : la multiplication des contrats précaires (de type CDD) constitue un coût non négligeable pour l’assurance chômage. Or dans les faits, 80% des CDD ne seront pas taxés, notamment ceux portant sur l’embauche des jeunes des moins de 26 ans, les CDD saisonniers, les CDD de remplacements, et les CDD dans certaines industries particulièrement gourmandes en la matière (l’hôtellerie-restauration, l’audiovisuel, les sociétés de sondages et services à la personne). Sans compter que les CDD débouchant sur un CDI ne seront également pas taxés. Or, en échange de cette majoration de cotisations sociale à hauteur de 110 millions d’euros, le gouvernement promet 150 millions d’euros d’exonération de cotisations sociales pour les jeunes de moins de 26 ans. C’est donc 40 millions d’euros offert au patronat.

Pour une convergence des luttes,
mobilisons-nous

 

Le tract en pdf : Accord national interprofessionnel : Contre la régression sociale : riposte syndicale