Attribution des carrières, mines et barrages à l’inspection du travail : non à la spécialisation

Tract intersyndical CGT, CNT, FSU, SUD de la Direccte Auvergne-Rhone-Alpes, 22 janvier 2021

De nouvelles attributions : problème de spécialisation ou problème d’effectifs et de moyens ?

Un décret annoncé pour le mois de janvier doit transférer à nos services la compétence d’inspection du travail jusqu’à présent dévolue aux services de la DREAL concernant les barrages, mines et carrières ne possédant pas d’installations souterraines.

Nous sommes informés que 2 ETP seront transférés au titre de ces nouvelles compétences de la DREAL à la DIRECCTE AURA (ou aux DDETS/DDTESPP). Nous revendiquons bien sûr que ces 2 postes deviennent de nouveaux postes d’agents de contrôle, et qu’ils ne disparaissent pas par magie dans la soupe des effectifs de référence.

Nous demandons à ce qu’ils soient affectés soit aux départements qui présentent déjà le ratio de salariés par agent de contrôle le plus dégradé (l’Allier et le Rhône), soit aux départements qui vont « récupérer » le plus de travail supplémentaire avec ces compétences nouvelles (Savoie et Isère).

L’administration minimise volontairement la surcharge de travail engendrée pour nos services par ce transfert de compétences, dans sa note communiquée au CTSD, avec un tableau montrant que l’augmentation du nombre moyen d’entreprises et de salariés, par section et par département, serait limitée (si ces compétences étaient lissées sur l’ensemble des agents en section). Cette présentation est fallacieuse, puisqu’en réalité, l’administration s’oriente clairement vers la spécialisation de sections, concentrant la nouvelle charge de travail sur quelques collègues uniquement.

Ainsi, comme on pouvait le craindre au regard de la vision de l’inspection du travail promue par diverses réformes et expérimentations depuis de nombreuses années (URACTI, GNVAC, réseaux régionaux sur les risques particuliers, UC régionale spécialisée pour le suivi des chantiers du Grand Paris et des Jeux Olympiques…), la DGT et les DIRECCTE privilégient un scénario de spécialisation dans la mise en oeuvre de ce transfert qui sera effectif au 1er juillet 2021.

Remplir des tableaux statistiques ou rendre un service public ?

Depuis des années, les mêmes arguments sont systématiquement avancés : l’inspection territoriale et généraliste serait dépassée par la structuration des entreprises contrôlées et la diversité des risques selon les secteurs d’activité. La spécialisation serait une nécessité pour développer une approche collective et pertinente des situations et permettre la conduite de campagnes de contrôles coordonnées.

En fait il n’y a pas là de réelle nouveauté. Les entreprises complexes sont une réalité dans la plupart des secteurs économiques depuis bien longtemps, de même que la diversité des risques pour la santé et la sécurité des salariés au travail.

En l’occurrence, les barrages, mines et carrières ne présentent pas des spécificités techniques ou juridiques telles qu’elles justifieraient une spécialisation des agents de contrôle : en ce qui concerne la spécificité juridique, c’est bien parce que celle-ci a disparu (abrogation de quasiment tous les textes spécifiques et application des textes code du travail) que la DREAL abandonne la compétence, et sans doute également parce qu’elle aussi est en peine sur ses effectifs. Quant aux spécificités techniques, on retrouve dans ces entreprises, ni plus ni moins que les risques classiquement présents dans le BTP ou les industries.

Alors pourquoi vouloir à tout prix une spécialisation en complexifiant à l’extrême les arrêtés de découpage des sections avec, pour conséquence un accès difficile des usagers à l’IT compétent ?

L’administration emploie inlassablement les mêmes arguments, à savoir que la multiplicité des agents compétents dans nos services (principe même de l’organisation de l’inspection du travail généraliste) présenterait un inconvénient majeur de lisibilité (principalement pour les employeurs, mais aussi du point de vue de la hiérarchie pour l’animation et les remontées chiffrées), et que la spécialisation favoriserait la montée en compétences des agents. De notre point de vue, c’est exactement l’inverse : la compétence territoriale est ce qui est le plus lisible pour l’ensemble des usagers, et le caractère généraliste est vecteur de montée en compétences par le biais des échanges de pratiques avec l’ensemble des collègues, et une garantie contre les influences extérieures indues.

La vérité c’est que, ce qui importe en premier lieu à nos directions, c’est de s’assurer d’une remontée de chiffres et d’un pilotage des actions facilitées : moins d’agents concernés = des consignes de contrôle moins diluées et des remontées statistiques plus fiables. (La note régionale prévoit d’ailleurs déjà le nombre de contrôles attendus au vu de ce qui était pratiqué par la DREAL jusqu’ici : une dizaine de contrôles, programmés et annoncés, par an et par agent rien que pour les carrières, ce qui laisse d’autant moins de place à l’initiative individuelle et à la réponse aux demandes des usagers).

Faire des kilomètres ou faire des contrôles ?

Quitte à mettre en place des organisations obligeant les agents à faire des kilomètres (sur plusieurs départements, voire la région entière) pour un contrôle. Et on ne parle alors pas de l’accessibilité des usagers à l’agent de contrôle… En suivant ce raisonnement, pourquoi ne pas spécialiser également le secteur de l’agroalimentaire, le secteur du BTP, le secteur des services, etc…

Quant à nous, nous avons au contraire toujours revendiqué une inspection du travail généraliste, seule à même de comprendre la relation de travail dans sa globalité, depuis la formation jusqu’à la rupture du contrat, dans toutes ses dimensions (relations individuelles, relations collectives, hygiène sécurité…). Nous nous opposons à des énièmes redécoupages qui, en plus de gaspiller un temps précieux et de générer des RPS par l’instabilité permanente de l’organisation du travail, et pour décharger les collègues recevant la nouvelle compétence, conduiraient à transférer des morceaux de secteurs généralistes aux collègues sans spécialisation, qui sont de moins en moins nombreux.

Ce qui manque réellement cruellement à nos services pour être plus efficaces, quels que soient les secteurs d’activité sur lesquels nous intervenons, ce sont avant tout des effectifs supplémentaires au contrôle mais également en secrétariat et en appui, des outils techniques qui permettent une réelle mutualisation au sein des services et non quasi-exclusivement un pilotage vertical, une réglementation dissuasive, des outils juridiques décisifs.

Ce faisant la spécialisation gagne du terrain, et à force de prélever des effectifs sur l’inspection généraliste, il devient de plus en plus aisé de mettre en cause ses insuffisances.

Ce faisant le lien avec les salariés et les représentants du personnel est de plus en plus fragilisé, alors même qu’il est essentiel pour permettre aux agents de contrôle de connaître les conséquences de l’exploitation et y répondre dans la mesure des moyens disponibles.

Ce faisant les risques d’influences extérieures indues augmentent.

Refusons un scénario qui n’est pas écrit d’avance

Les organisations syndicales signataires déclarent que pour accomplir pleinement ses missions, l’inspection du travail doit demeurer généraliste au service et en lien avec les salariés et les représentants du personnel.
Elles s’opposent donc fermement à toute nouvelle spécialisation « mines, carrières et barrages ».

Et comme si cela ne suffisait pas, même si c’était attendu de la part de Mme NOTTER qui a toujours affiché unep profonde défiance vis-à-vis des organisations syndicales et instances représentatives des agents, nous dénonçons les annonces prématurées de solliciter les agents pour qu’ils candidatent à ces compétences spécialisées, comme cela a été fait en réunion d’UC dans certains départements, comme dans le Puy-de-Dôme, la Drôme, le Rhône ou encore la Haute-Savoie, avant même toute information et consultation des CTSD et CHSR, et nous appelons les agents à ne pas
se positionner sur ces nouvelles spécialisations, et à s’opposer à cette nouvelle augmentation de leur charge de travail.

Afin de démontrer notre opposition à ce nouveau projet de spécialisation, les organisations syndicales CGT, CNT, SNUTEFE et SUD TRAVAIL de la DIRECCTE Auvergne Rhône Alpes vous invitent à signer la pétition jointe [la pétition a été distribuée dans les services concernés].

Lyon, le 22 janvier 2021