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Répression des médecins du travail

Il est interdit à tout médecin de rechercher une cause professionnelle pour une psychopathologie du travail !

Dominique Huez et Bernadette Berneron médecins du travail sont tous les deux condamnés à nouveau, suite à la plainte de deux employeurs, à un “avertissement” par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins en appel, cela pour avoir attesté du lien entre la santé altérée et le travail de leurs patients. 

Que nous dit l’ordre des médecins ?

Suite à ces deux jugements, que peut-on conclure ? Selon l’Ordre des médecins toute plainte de celui qui aurait un intérêt à agir serait recevable, et ce en contradiction de l’article R.4126-1 du code de la santé publique, au prétexte que la liste mentionnée à cet article ne serait pas limitative. L’intérêt de l’employeur est ainsi mis au même rang que celui du patient ou des associations de défense des patients. Les patrons peuvent donc y aller et porter plainte contre un médecin du travail devant le Conseil de l’Ordre dès lors que son avis ne leur convient pas.

Toujours selon l’Ordre des médecins, lors des conciliations et devant une chambre disciplinaire, la question du secret médical ne se poserait pas puisque le dossier du patient est alors transmis à l’employeur. De plus la plainte de l’employeur est instruite sur ses seules déclarations sans que soit entendu le salarié, ce qui n’entraverait donc pas de son point de vue le droit à un procès équitable.

Concernant les écrits médicaux, pour l’Ordre, aucun évènement s’inscrivant dans une histoire médicale du patient et qui porterait potentiellement préjudice à un tiers étranger au patient (en l’occurrence les employeurs), ne saurait être mentionné au titre de la démonstration clinique d’un diagnostic médical de lien entre la santé et le travail !

L’ordre des médecins n’aurait pas non plus à tenir compte du fait que la justice prudhommale ou le droit assurantiel AT-MP aux termes d’une enquête contradictoire, ait pu corroborer les faits cités dans l’écrit médical. En l’espèce le tribunal des prud’hommes avait pourtant reconnu le harcèlement moral de la société contre le salarié concerné par le certificat médical en cause.

Ainsi pour l’Ordre un écrit médical ne peut avoir pour forme que celle du “certificat de coup et blessure” et ne doit pas jamais porter le projet d’attester des causes de la pathologie dans le seul intérêt de la santé du patient.

Toute attestation d’un lien entre la santé et le travail est donc interdite arbitrairement par l’Ordre des médecins et tout tiers à la santé du patient peut saisir l’Ordre pour faire condamner les récalcitrants !

Le diagnostic d’un lien santé-travail est renvoyé au rang d’un certificat de complaisance et non d’une analyse globale de la situation de travail par des professionnels de la santé au travail !

Quid de la responsabilité des employeurs ?

Que devient la responsabilité de l’employeur dans la dégradation de la santé au travail, notamment en ce qui concerne la santé mentale ? Elle disparaît tout simplement.

L’employeur doit préserver la santé et la sécurité des salariés, il a même une obligation de résultat en la matière. C’est l’article L.4121-1 du Code du travail qui le dit. Mais qu’un médecin du travail vienne à pointer la responsabilité d’un employeur en particulier dans la dégradation d’un ou des salariés de son entreprise, et le voilà désormais à la merci de poursuites disciplinaires par l’Ordre des médecins.

De fait 100 plaintes d’employeurs sont déjà déposées annuellement. Nul doute que le message de ce nouveau jugement va être parfaitement entendu par le patronat et que les plaintes vont continuer à se multiplier !

Une exigence de « neutralité » toute patronale

Quand on connait l’importance des avis du médecin du travail pour qu’un salarié puisse faire reconnaître le préjudice subi afin de faire valoir ses droits devant les juridictions prud’homales ou le TASS (notamment dans les cas de harcèlement moral dont la définition même évoque explicitement l’incidence sur la santé), on ne peut donc qu’être atterré par une telle décision.

Devant la vision toute patronale de l’exigence de « neutralité » que promeut ainsi l’Ordre des médecins, la santé des patients-salariés devient un intérêt parmi d’autres et l’Ordre des médecins se fait le fidèle gardien de l’Ordre des dominants et de leurs intérêts. La déontologie devient ainsi le cache-sexe de la lutte des classes au profit des employeurs.

On pense ici également à un récent avis de la CADA (parmi d’autres contradictoires sur le sujet) nous expliquant que nous n’avions pas à transmettre d’information aux salariés susceptible de nuire à l’intérêt d’une des parties (en gros interdiction de communiquer nos lettres d’observation). Là où le devoir d’information du public s’efface devant les intérêts patronaux, le diagnostic médical doit également s’effacer devant les mêmes intérêts.

Et on ne peut également que s’inquiéter du futur code de déontologie qui nous est promis dans le cadre de la loi travail dont l’argumentaire prévoit explicitement qu’il aura pour fonction de définir « pour les contrôlés, le bénéfice des garanties fixées par la loi lors d’intervention des agents du système d’inspection du travail. »

La déontologie ne doit pas être le cache-sexe de la sauvegarde des intérêts patronaux contre l’exercice même de nos missions !

La CNT-TEFP exige :

  • l’annulation des sanctions contre les docteurs HUEZ et BERNERON
  • que les employeurs ne puissent plus porter plainte contre les médecins du travail devant l’ordre des médecins
  • le respect du statut et des missions de tous les acteurs de la santé au travail contre toutes les tentatives d’ingérence patronale

D’ores et déjà six syndicats et associations ont formé un recours devant le Conseil d’État pour que les employeurs ne puissent plus porter plainte contre les médecins attestant une souffrance au travail.

L’arrêt de la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins du 26-09-2016 HUEZ Dominique

Le tract en pdf :repression-des-medecins-du-travail

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